Les Promesses faites à Abraham — leur importance pour le chrétien

Parmi tous les enseignements de la Bible, un seul est vraiment bien connu : c’est que les fidèles serviteurs de Dieu recevront en récompense l’immortalité. On cite avec raison, pour soutenir cette thèse, Jean 3.16 :

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » ;

et Luc 20.35 :

« Ceux qui seront trouvés dignes d’avoir part au siècle à venir et à la résurrection des morts [… ] ne pourront plus mourir, parce qu’ils seront semblables aux anges ».

Ces promesses font partie de la tradition chrétienne depuis si longtemps qu’on risque de ne plus goûter leur extraordinaire. Deux observations, cependant, semblent s’imposer : la première, c’est que si la vie éternelle est promise au chrétien, c’est qu’il ne la possède évidemment pas encore en aucune façon. A quoi bon promettre à un homme ce qu’il a déjà, ou ce qu’il est certain de recevoir finalement de façon automatique ?

La Bible n’enseigne nullement une idée si illogique : elle nous apprend que l’homme est fait de poussière et qu’il est semblable aux « bêtes que l’on égorge » (Psaume 49.13, 21 ). Le psalmiste nous dit aussi :

« [L’Éternel] sait de quoi nous sommes formés, il se souvient que nous sommes poussière. L’homme ! ses jours sont comme l’herbe. Il fleurit comme la fleur des champs. Lorsqu’un vent passe sur elle, elle n’est plus » (Psaume 103.14 16).


Nous nous permettons de renvoyer le lecteur au livret « Après la mort ? » où nous avons traité la question de la nature humaine, et nous nous bornons à faire remarquer qu’au verset 17 du même Psaume il est écrit :

« Mais la bonté de l’Éternel dure à jamais pour ceux qui le craignent » ;

et à Jean 3.16, en fait :

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle ».

Il y aura évidemment une récompense — la vie éternelle ; mais il est clair qu’elle ne sera accordée que sous conditions.

La deuxième observation, c’est que cette promesse fut faite il y a bien longtemps. Paul écrit à Tite, se nommant

« serviteur de Dieu et apôtre de Jésus-Christ pour la foi des élus de Dieu et la connaissance de la vérité qui est selon la piété — lesquelles reposent sur l’espérance de la vie éternelle, promise avant tous les siècles par le Dieu qui ne ment point » (Tite 1.1 2).

Quelle est cette promesse accordée dans un temps si reculé ? Dans la même épître (3.7) l’apôtre dit que nous pouvons devenir

« héritiers dans l’espérance de la vie éternelle ».

Encore, à Romains 8.17

« Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers »,

et l’apôtre ajoute ces deux expressions étonnantes :

« héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ ».

Voilà deux questions primordiales pour le serviteur de Dieu : quelles sont ces promesses de vie éternelle faites avant tous les siècles ? Comment, et de quoi, les fidèles peuvent-ils devenir héri¬tiers, et surtout cohéritiers de Christ ? Nous posons là des questions auxquelles beaucoup de ceux qui se disent chrétiens ne pourraient pas sans doute trouver de réponses faciles. Les réponses fournies par la Bible se révéleront indispensables pour la compréhension de l’Évangile même, cette « puissance de Dieu pour le salut ».

L’ère mosaïque et l’ère chrétienne

II faut examiner d’abord une notion bien répandue mais fausse, et qui a rendu impossible la bonne compréhension de ces sujets : selon cette notion les Israélites reçurent en peuple privilégié la loi de Dieu par l’intermédiaire de Moïse, ils furent conduits dans la Terre Promise, mais leur désobéissance entraîna la colère de Dieu, qui les rejeta irrévocablement en abolissant la loi qu’Il leur avait donnée. Jésus-Christ promulgua une nouvelle loi qui s’appelait l’Évangile. L’église des Gentils remplaça celle des Israélites.

Selon cette thèse l’Évangile renfermerait des principes tout nouveaux ; ce qui appartenait au passé serait fini. C’est là une idée tout à fait erronée, et dont les suites ont été graves. La bonne nouvelle est en fait très ancienne, puisqu’elle se rapporte à des promesses faites aux pères du peuple d’Israël, promesses qui attendent toujours leur accomplissement. Jésus est venu inaugurer une nouvelle ère et en expliquer les conditions pour le service de Dieu. La loi mosaïque a été abrogée et remplacée par la loi de Christ ; mais l’espérance des serviteurs de Dieu n’a subi aucun changement. Les promesses de vie annoncées dans l’Évangile de Jésus s’avèrent identiques à celles que Dieu avaient faites à Ses fidèles anciens, des centaines d’années auparavant. C’étaient

« les plus grandes et les plus précieuses promesses, [faites] afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine » (2 Pierre 1.4).

Quelles étaient ces promesses ? Sous quelles conditions seront-elles accomplies ?

Abraham — père d’un peuple

Dès l’expulsion même d’Adam et d’Ève du Jardin d’Éden après leur transgression, Dieu prononça ce qui était en effet une promesse de vie :

« L’Éternel Dieu dit au serpent : […] Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon » (Genèse 3.14 15).

II faut remarquer que le serpent, en vertu de ses paroles menteuses adressées à Eve, devient dans toute la Bible le symbole du péché manifesté dans la chair humaine. Du fait que le serpent devait recevoir une blessure à la tête, on peut conclure qu’à la fin le péché serait anéanti, et cela par la postérité de la femme, laquelle ne recevrait qu’une blessure au talon. C’était une prophétie de l’œuvre du Rédempteur, Jésus-Christ, qui, étant lui-même la postérité de la femme, se remettrait de la blessure infligée par les hommes iniques en ressuscitant de la mort, et qui anéantirait la puissance du péché. C’est là la première des promesses de vie.

Il faut convenir toutefois qu’il ne s’agit là que d’une esquisse assez vague ; pour apprendre les détails il est indispensable de lire dans la Genèse le récit de la vie d’Abraham. Pour commencer, citons Genèse 12.1 3

« L’Éternel dit à Abram : Va-t’en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. »

Voilà évidemment des promesses peu communes, et qui se résument en deux idées principales : d’abord, que Dieu ferait d’Abraham une grande nation, en lui donnant une postérité nombreuse ; ensuite, qu’Abraham deviendrait une source de bénédiction, dont la portée serait si étendue qu’elle embrasserait toutes les nations de la terre.

A Genèse 13.14 17, Dieu précise davantage :

« L’Éternel dit à Abram, […] : Lève les veux, et, du lieu où tu es, regarde vers le nord et le midi, vers l’orient et l’occident ; car tout le pays que tu vois, je le donnerai à toi et à ta postérité pour toujours. Je rendrai ta postérité comme la poussière de la terre, en sorte que, si quelqu’un peut compter la poussière de la terre, ta postérité aussi sera comptée. Lève-toi, parcours le pays dans sa longueur et dans sa largeur ; car je te le donnerai ».

Il n’est plus permis de douter que la postérité d’Abraham serait nombreuse « comme la poussière de la terre ». Cette postérité devait en outre, avec Abraham, hériter d’un certain pays, « tout le pays que tu vois ». Au verset 12 nous apprenons le nom de ce pays : « Abram habita dans le pays de Canaan » en Palestine. Et quelle certitude, quelle précision dans cet ordre final :

« Lève-toi, parcours le pays dans sa longueur et dans sa largeur ; car je te le donnerai » !

L’Éternel répéta plusieurs fois les détails de ces promesses au chapitre 17 nous apprenons qu’elles constituaient une alliance :

« Voici mon alliance que je fais avec toi. Tu de¬viendras père d’une multitude de nations […] et des rois sortiront de toi. J’établirai mon alliance entre moi et toi et tes descendants après toi […] : ce sera une alliance perpétuelle […]. Je te donnerai et à tes descendants après toi le pays que tu habites comme étranger, tout le pays de Canaan, en possession perpétuelle, et je serai leur Dieu » (Genèse 17.4 8).

Voilà des promesses bien précieuses ; Abraham comprenait sans doute ce qui lui était promis.

Ces promesses furent réitérées au fils et au petit-fils d’Abraham — à Isaac et à Jacob. A Isaac il fut dit :

« Séjourne dans ce pays-ci (c’était le pays de Canaan) ; je serai avec toi, et je te bénirai, car je donnerai toutes ces contrées à toi et à tu postérité, et je tiendrai le serment que j’ai fait à Abraham, ton père. Je multiplierai ta postérité comme les étoiles du ciel, je donnerai à ta postérité toutes ces contrées ; et toutes les nations de la terre seront bénies en tu postérité, parce qu’Abraham a obéi à ma voix » (Genèse 26.3 5) ;

et à Jacob, quelques années plus tard :

« Je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham, ton père, et le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donnerai à toi et à ta postérité. Ta postérité sera comme la poussière de la terre […], et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta postérité » (Genèse 28.13 14).

Impossible de lire ces passages extraordinaires sans se rendre compte de l’immensité de ces privilèges : bénédiction personnelle, qui serait étendue à toutes les nations de la terre ; postérité si nombreuse qu’il serait impossible de la compter ; et enfin, don d’un pays, aux pères et à leur postérité pour toujours. II s’agit évidemment ici d’un sujet primordial dans le dessein de Dieu.

Les promesses et le chrétien

On fait quelquefois deux observations sur ces promesses, observations qui nient en fait leur importance pour les serviteurs de Christ. La première affirme que ces promesses ont déjà reçu leur accomplissement : la postérité d’Abraham serait les Israélites qui se multiplièrent et héritèrent du pays de Canaan. Cette objection ne tient aucun compte de certains détails dans ces promesses : Abraham, Isaac et Jacob devaient hériter en personne du pays de Canaan, et cela pour toujours. Ils ne l’ont pas fait. Heureusement le Nouveau Testament ne laisse plus de doute à ce sujet. Étienne, passant en revue les événements de la vie d’Abraham, affirme :

« Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham [… et] le fit passer dans ce pays que vous habitez maintenant (toujours le pays de Canaan) ; il ne lui donna aucune propriété dans ce pays, pas même de quoi poser le pied, mais il promit de lui en donner la possession, ainsi qu’à sa postérité après lui, quoiqu’il n’ait point d’enfant » (Actes 7.2 5).

Étienne prononça ces paroles au début de l’ère chrétienne ; pour lui les promesses faites à Abraham attendaient toujours leur accomplissement ; et il est franchement impossible d’affirmer qu’elles ont été accomplies depuis les jours d’Étienne.

L’apôtre Paul vient ajouter son puissant témoignage dans le même sens, en écrivant aux Hébreux :

« C’est par la foi qu’Abraham […] partit pour un lieu qu’il devait recevoir en héritage […]. C’est par la foi qu’il vint s’établir dans la terre promise comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, ainsi qu’Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse […]. C’est dans la foi qu’ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises ; mais ils les ont vues et saluées de loin, reconnaissant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre » (Hébreux 11.8 9, 13).

Paul et Étienne sont unanimes ; ces promesses n’ont pas encore reçu leur accomplissement.

La deuxième objection à notre thèse consiste à affirmer que la nation d’Israël est la postérité d’Abraham selon la chair ; c’est à elle qu’appartiennent ces promesses, qui ne regardent donc en rien les chrétiens. C’est encore une objection qui ne tient aucun compte de certains détails. Dieu dit à Abraham :

« Je ferai de toi des nations, et des rois sortiront de toi » (Genèse 17.6).

Heureusement nous pouvons encore nous référer au témoignage de l’apôtre Paul, qui explique dans son épître aux Galates l’immense importance de ces promesses pour le serviteur de Christ. C’est au chapitre 3 que nous trouvons son exposé.

II existait parmi les Galates certains judaïsants qui voulaient faire observer la loi mosaïque à tous les croyants, tant à ceux d’origine non-juive qu’aux Juifs. Dans son épître aux Galates l’apôtre a soutenu la thèse que la loi était impuissante pour assurer le salut (voir aussi son épître aux Éphésiens, chapitre 2, verset 8 : « c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi » ) :

« Comme Abraham crut à Dieu, et que cela lui fut imputé à justice, reconnaissez donc que ce sont ceux qui ont la foi qui sont fils d’Abraham. Aussi l’Écriture, prévoyant que Dieu justifierait les païens par la foi, a d’avance annoncé cette bonne nouvelle à Abraham : toutes les nations seront bénies en toi ! Ainsi, ceux qui croient sont bénis avec Abraham le croyant » (Galates 3.6-9).

Il faut faire un effort sur nous-mêmes pour bien saisir le côté bouleversant de ce passage pour les Israélites, habitués depuis si longtemps à se croire la véritable postérité d’Abraham (en fait leur ancêtre selon la chair), donc les seuls bénéficiaires à venir des promesses divines. C’est pour eux un principe nouveau que l’apôtre pose ici, mais qui a en même temps une origine très ancienne. Les véritables fils d’Abraham, affirme-t-il pour ainsi dire, ne sont pas les Israélites qui peuvent se vanter de leur descendance charnelle, ce sont ceux qui ont la foi d’Abraham . Dieu justifiera même les païens par la foi, non pas par la loi de Moïse. C’est là un coup dur à l’orgueil israélite ; mais pour les païens qui sont prêts à l’écouter, c’est l’espérance.

Pour le chrétien du monde moderne, il importe de bien comprendre que la promesse faite à Abraham — « Toutes les nations seront bénies en toi » — était en effet « cette bonne nouvelle ». Voici donc un évangile (mot grec traduit bonne nouvelle) bien anté¬rieur à celui proclamé dans l’ère chrétienne. La bonne nouvelle que reçut Abraham était le noyau même de l’évangile prêché par Jésus.

« Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi […] afin que la bénédiction d’Abraham ait pour les païens son accomplissement en Jésus-Christ » (Galates 3.13).

Dire qu’il existe des chrétiens qui n’ont jamais lu ces versets et qui ignorent tout à fait cette « bénédiction d’Abraham » !

Le rapport entre les promesses faites à Abraham et l’œuvre du Christ ressort encore de la lecture du verset 16 :

« Or, les promesses ont été faites à Abraham et à sa descendance. Il n’est pas dit : et aux descendances, comme s’il s’agissait de plusieurs, mais comme il s’agit d’une seule : et à ta descendance, c’est-à-dire à Christ ».

Le Christ se révèle ici comme le personnage-clé, de qui dépend l’accomplissement des promesses, et qui en devient en même temps l’héritier.

L’identité des vrais bénéficiaires des promesses faites à Abraham ressort de la lecture des derniers versets de Galates 3 :

« Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ » (v. 27).

« Vous tous » — locution qui ne signifie nullement tout le monde ; elle est adressée uniquement aux membres des églises chrétiennes de Galatie qui avaient d’abord compris l’évangile et qui y avaient été baptisés — classe restreinte. Ces fidèles avaient « revêtu Christ » ; ils étaient devenus « membres de son corps », participant à sa justice par sa grâce. Dans ce corps (ou communauté)

« il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme : car vous êtes tous un en Jésus-Christ » ;

les différences de nationalité, de rang, de sexe même, n’ont pour les croyants plus de validité —

« Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la des¬cendance d’Abraham, héritiers selon la promesse » (Galates 3.28 29).

Il est difficile d’exagérer l’importance de l’exégèse que fait l’apôtre Paul dans ce chapitre 3 de l’épître aux Galates. Les païens, hommes et femmes non-juifs d’origine, peuvent devenir « fils d’Abraham », donc héritiers des promesses, d’abord en faisant preuve de la même foi qu’avait ce digne homme, ensuite en se faisant baptiser en Christ. L’apôtre fait souvent allusion à cette alliance :

« Et [Abraham] reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la justice qu’il avait obtenue par la foi quand il était incirconcis, afin d’être le père de tous les incirconcis qui croient (c’est-à-dire, des Gentils qui croient), pour que la justice leur soit aussi imputée » (Romains 4.11).
« En effet, ce n’est pas par la loi que l’héritage du monde a été promis à Abraham ou à sa postérité, c’est par la justice de la foi » [/i] (verset 13).

C’est par l’œuvre du Christ que la promesse faite à Abraham deviendra « l’héritage du monde ». Encore :

« Je dis, en effet, que Christ a été serviteur des circoncis (les Juifs), pour prouver la véracité de Dieu en confirmant les promesses faites aux pères » (Romains 15.8).

Loin de les abolir ou même de les mettre au second plan, Christ a confirmé ces promesses — c’est à dire, il en a rendu l’accomplissement tout à fait certain. Il en résulte que :

« les païens (les Gentils) glorifient Dieu à cause de sa miséricorde, selon qu’il est écrit : C’est pourquoi je te louerai parmi les nations […]. Nations (Gentils) réjouissez-vous avec son peuple ! » (Romains 15.9 10).

Cet apôtre, élu par Dieu pour prêcher l’évangile aux Gentils ne cesse jamais de leur proclamer « l’espérance d’Israël ». Comparaissant devant un tribunal romain, il déclare :

« J’espère l’accomplissement de la promesse que Dieu a faite à nos pères, et à laquelle aspirent nos douze tribus. […] C’est pour cette espérance, Ô roi, que je suis accusé par les Juifs ! » (Actes 26.6 8).

Emprisonné à Rome,

« Paul convoqua les principaux des Juifs ; et quand ils furent réunis, il leur adressa ces paroles : […] c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte cette chaîne. […] Paul leur annonça le royaume de Dieu, en rendant témoignage et en cherchant, par la loi de Moïse et par les prophètes, à les persuader de ce qui concerne Jésus » (Actes 28.17, 20, 23).

Et aux derniers versets du chapitre :

« Paul demeura deux ans entiers […] prêchant le royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ » (versets 30 31).

De ces passages ressort cette conclusion primordiale : « l’espérance d’Israël » et l’évangile du « royaume de Dieu » sont identiques. L’un et l’autre sont indispensables à une compréhension du dessein rédempteur de Dieu.


L’espérance des Gentils

Restent à considérer quelques passages très importants tirés de l’épître aux Éphésiens. Au chapitre 3, Paul se dit

« prisonnier de Christ pour vous païens » (v. 1).

Lui-même Israélite de naissance, l’apôtre s’adresse spécialement aux Gentils pour leur rappeler

« comment je fais part de la grâce de Dieu qui m’a été confiée pour vous » (Éphésiens 3.2),

et pour leur parler d’un mystère qui

« n’a pas été manifesté aux fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes de Christ » (versets 3 5).

Et quel est ce mystère si important qu’il est devenu le sujet d’une révélation divine pour les apôtres ? Remarquons bien ce qui suit :

« Ce mystère, c’est que les païens sont cohéritiers, forment un même corps, et participent à la même promesse en Jésus-Christ par l’Évangile » (v. 6).

La version Crampon rend très clair le sens de ce passage :

« Ce mystère, c’est que les Gentils sont héritiers avec les Juifs, et membres du même corps et qu’ils participent à la promesse de Dieu ».

Quel langage tranchant ! II faut bien comprendre la situation. L’espérance offerte aux hommes dans l’Évangile de Jésus-Christ est une espérance israélite, fondée sur des promesses précises, accordées quelques centaines d’années auparavant à Abraham, à Isaac et à Jacob ; tout comme ces mêmes promesses comprenaient déjà la réalité et la certitude du salut qu’apporterait l’œuvre du Seigneur.

Quant aux Gentils qui restent ignorants de ces promesses, quelle est leur espérance ? Permettons à l’apôtre Paul de nous le dire en deux passages tranchants. D’abord Éphésiens 4.17 18 :

« Voici donc ce que je dis et ce que je déclare dans le Seigneur : Vous ne devez plus marcher comme les païens, qui marchent selon la vanité de leurs pensées. Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur ».

Loin de posséder une valeur particulière en tant qu’êtres humains, les hommes « marchent selon la vanité de leurs pensées » , c’est à dire, leurs pensées n’ont aucune valeur, n’étant nullement recommandées à Dieu. Les hommes sont « étrangers à la vie de Dieu » , locution qui ne signifie évidemment pas la vie actuelle, dont jouissent tous les êtres vivants, mais qui doit donc signifier la vie éternelle. La nature humaine en soi n’a aucune espérance de vie éternelle.

C’est là une vérité que Paul enseigne d’une façon encore plus catégorique au deuxième chapitre :

« C’est pourquoi, vous autrefois païens dans la chair, appelés incirconcis par ceux qu’on appelle circoncis (c’est-à-dire, méprisés par les Juifs qui se faisaient fort des promesses divines) […], souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Éphésiens 2.11 12).

Relisez ces versets, cher lecteur, pour vous rendre compte de leur sens si bouleversant. Paul s’adressait ici à des gens qui étaient Grecs de naissance et qui, ayant compris l’Évangile, s’étaient fait baptiser en Christ. Sans essayer le moins du monde d’amoindrir ni d’adoucir la force presque brutale de ses paroles, l’apôtre leur disait quelle était leur condition avant leur baptême. De combien d’importance ces sujets devaient-ils être revêtus aux yeux de l’apôtre ! II faut évidem¬ment jouir du « droit de cité en Israël » , participer aux « alliances de la promesse » , pour ne pas rester « sans Christ » . Mais que dire des deux expressions qui restent : « sans espérance » et « sans Dieu dans le monde » ? C’est la fin ; après cela il n’y a plus rien à dire.

De deux choses l’une : ou un homme devient membre du vrai Israël en participant à l’alliance (ce qui implique naturellement une compréhension des conditions de l’alliance, une connaissance des promesses à accepter), ou il reste sans espérance, éloigné de Dieu, comme celui dont écrit le psalmiste (Psaume 49.21) :

« L’homme qui est en honneur, et qui n’a pas d’intelligence, est semblable aux bêtes que l’on égorge ».

Or, cher lecteur, vous et moi, nous sommes des Gentils de cette espèce. Nous ne participons, en vertu de notre état naturelle, à aucune alliance avec Dieu ; sans Son intervention nous sommes voués à la mort — sans rappel. Mais il existe une espérance : Dieu a promis la vie éternelle à ceux qui se soumettront à Sa Parole ; il existe des promesses précises, accordées d’abord aux pères du peuple d’Israël, offertes ensuite par l’Évangile à tous ceux qui y croiront ; il existe une alliance, entre Dieu et Ses serviteurs qui en reconnaissent les principes.

L’Évangile est donc très ancien. Il faut évidemment le comprendre. Dieu fit prêcher la bonne nouvelle à Abraham en lui livrant les promesses précieuses qui comportent l’espérance de l’immortalité pour lui et pour sa postérité. Jésus en élargit la portée : les Gentils pouvaient devenir fils d’Abraham, donc sa postérité et ses héritiers par la foi en ces mêmes promesses. C’est pourquoi, dans sa prédication de l’Évangile aux nations, l’apôtre Paul faisait tant de cas de « l’espérance d’Israël », des « alliances de la promesse ». Pour nous la conclusion est évidente. Nous ne serons pas sauvés sans comprendre cette espérance et ces alliances. L’Évangile que prêcha Jésus n’est pas une chose vague : il était basé sur une alliance précise, et qui exigeait des participants foi et obéissance. La foi aussi est précise : foi en des promesses faites aux pères d’Israël, foi en Jésus comme postérité d’Abraham et héritier de ces promesses, foi qui se manifeste dans le baptême.

Voici la base indispensable de la bonne nouvelle du royaume de Dieu et du nom de Jésus-Christ (Actes 8.12), cette « puissance de Dieu pour le salut » (Romains 1.16).

F.T. Pearce


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